Changer le monde – Les recrutements

La fille facile

En échangeant avec une personne suite à des entretiens d’embauche, j’ai souri en l’entendant me dire que j’avais été vue comme “la fille facile”. J’ai trouvé ça amusant et j’ai pensé que c’était une image très éclairante de la situation qui s’était présentée.

S’engager personnellement et professionnellement

J’ai longtemps travaillé pour des structures qui avaient des budgets limités. Et j’ai aussi entrepris différents challenges pour lesquels je n’avais pas ou peu de rétribution financière.

Du haut de ce parcours et de toutes les petites montagnes que j’avais gravies, je me suis retrouvée dans des processus de recrutement et j’ai compris que mon parcours avait été interprété de manière assez injuste et même biaisé.

Le fait d’avoir beaucoup travaillé par le passé et d’avoir gagné peu me mettait dans la case de la candidate idéale qui avait beaucoup d’expérience et que l’on allait pouvoir payer au plus bas.

Quelle déception !

Le bénévolat : un choix et un engagement libre !

J’ai mené des projets sans ou avec peu de rétribution car ils nourrissaient des parties de moi qui comptaient et qui demandaient à être nourries. Donc je n’étais en aucun cas utilisée par un système, j’étais dans un processus de développement de connaissances qui me semblaient essentielles à mon développement personnel et professionnel. D’où le fait de ne pas mettre le gain d’argent en priorité car il n’était pas ce qui guidait ma démarche.

Donc je n’étais pas une cible naïve qui travaillait pour peu, j’étais une personne consciente qui se rendait dans les endroits qui la nourrissait afin de lui permettre d’avancer.

La valeur d’un parcours

Il me semble indispensable de remettre en question la façon dont on définit la valeur d’un parcours personnel et professionnel.

L’argent gagné ou pas dans une expérience n’a aucun rapport avec la valeur que l’on peut donner par la suite au parcours d’un candidat car tout est question de contexte. Et ce qui compte c’est l’expérience gagnée, le niveau d’autonomie et de responsabilité, ce qui a été accompli, pas le cadre dans lequel il a été accompli et même au contraire : dans l’associatif et le bénévolat, vous allez souvent déployer plus de compétences car vous êtes souvent sans cadre et sans moyen en mode DIY !

Les valeurs affichées VS les valeurs appliquées

Cela me paraît de plus en plus fou de changer de vie pour aller rejoindre une équipe seulement après une entrevue d’une heure. Comment pouvez-vous savoir à qui vous avez à faire en une heure de temps ? C’est si facile de faire illusion.

J’étais entrée en résonance avec ces employeurs car je partageais des valeurs perçues, mais le fait d’être identifiée comme une candidate que l’on allait pouvoir payer au minimum m’a vraiment refroidie car j’estime que ce n’est pas reconnaître ma valeur, c’est plutôt essayer d’obtenir un maximum pour peu d’argent en échange donc on est dès le départ dans une relation qui n’est ni saine ni honnête.

Et surtout : en quoi quelqu’un qui a pris des risques pour accomplir des projets de coeur et des missions qui respectaient sa personnalité et ses valeurs en dépit des conditions matérielles, aurait moins de valeur sur le marché de l’emploi qu’une personne qui n’a jamais pris un seul risque ni pour exister personnellement ni pour sa carrière ?

C’est le monde à l’envers vous ne trouvez pas ?

Un parcours atypique est audacieux et il a en réalité plus de valeur car il a plus d’épaisseur en terme d’expérience qu’un parcours classique. Il est fait de plus de risques, de remises en question, de travail et de dépassement de soi.

Et le fait que quelqu’un ait travaillé longtemps dans des espaces instables et sans confort, au lieu de le dévaloriser, octroie à la personne une qualité supplémentaire : cela signifie qu’elle est tenace et que lorsqu’elle décide de suivre un axe, elle le maintient en dépit des conditions et sacrifices.

C’est donc un choix libre, engagé et indépendant. Et sûrement pas une raison de sous-payer et de dévaloriser une personne sur le plan professionnel et économique.

De plus, le fait qu’un acteur de l’économie sociale et solidaire essaye de vous recruter dans des conditions qui vont faire de vous, dans le contexte donné, un travailleur pauvre, pose question sur les valeurs et la conscience des réalités de terrain à l’intérieur de la structure.

Comme tant d’associations en France, elles prônent des valeurs qu’elles n’incarnent pas. J’ai été désolée de voir ça, une fois de plus, car malheureusement c’est un grand classique !

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