Certes, on peut entamer une démarche de création et d’introspection pour changer le monde en commençant par se changer soi-même. Mais parfois, changer le monde se passe aussi et surtout au contact des acteurs en présence dans la société afin de provoquer des prises de conscience chez les autres.
Les choses que l’on n’aime pas dans notre société ne sont présentes et enracinées que parce qu’elles sont reçues par des personnes qui les valident, qui ne les remettent pas en question, et qui souvent, ne savent pas dire non.
Le plus puissant des pouvoirs, qui peut être utilisé et activé par toute personne en position de supériorité hiérarchique, est la passivité, l’inertie. Lorsque vous êtes passifs ou trop peu affirmés pour exprimer votre point de vue face à quelque chose que vous trouvez malsain ou désagréable, vous renforcez ces pratiques et même, vous les validez.
“Le silence face à l’injustice est une complicité avec l’oppresseur.”
Ginetta Sagan
Savoir dire non face à l’inacceptable
Par contre, lorsque vous vous positionnez clairement, que vous dites non face à une situation inacceptable, vous faites, à votre niveau, changer les choses. Les personnes en face de vous, même s’il n’y paraît pas, vous voient et vous entendent et elles sont influencées par vos réactions. Votre refus va forcément les faire douter ou remettre en question leur comportement. Et si vous, ainsi que plusieurs personnes qui passeront après vous, font la même remarque, le même refus, alors les systèmes et méthodes changent, évoluent, les gens s’adaptent.
le système s’adapte quand ses méthodes ne lui permettent plus d’obtenir ce dont il a besoin.
Croyez en votre petite voix ! Et laissez-moi vous raconter une histoire pour illustrer cela…
Les tests de recrutement
J’ai récemment postulé pour un job qui me faisait vraiment rêver. Lorsque j’ai lu l’annonce, il y avait comme une évidence : un cadre exceptionnel, proche de la nature, dans un lieu d’exception, le poste me convenait, la taille de la structure également, et j’avais récemment visité la région qui m’avait beaucoup plu et où j’avais rencontré des personnes sympathiques et accueillantes.
Bref, tout commence bien. J’envoie ma candidature avec conviction et beaucoup d’espoir de pouvoir faire ce changement de vie grâce à cette nouvelle opportunité…
Une semaine plus tard on m’appelle et on me propose un premier échange téléphonique qui se déroule très bien. A la suite de cet échange, on me dit que l’on va m’envoyer des tests, qui me prendront deux fois une heure et que je dois renvoyer dès le lendemain.
Ce n’est pas très grave mais c’est quand même sous-entendre que parce que je postule à un emploi, je ne fais littéralement rien de ma vie, que je n’ai pas de planning car caler deux heures à la dernière minute pour le lendemain, ce n’est clairement pas toujours possible. Car ce n’est pas parce que nous ne sommes pas en poste en CDD ou CDI que nous n’avons pas de vie et un agenda chargé. Mais bref, passons…
Je reçois les tests et je commence à les remplir avec entrain.
Puis plus j’avance, plus je déchante.
J’arrive au bout du premier test qui est quand même composé de 200 questions et je commence à être un peu agacée. Je n’ai au bout de 150 questions, qu’une envie : fermer l’ordi et m’endormir !
Le lendemain, j’ouvre le second test et là, ça devient encore plus dur. Le second fichier comporte cette fois plus de 300 questions !! Des questions qui tournent en boucle autour des mêmes sujets, reformulées différemment afin de voir si je ne me contredis pas…
Je me sens alors traquée comme un rat, à qui on envoie des petits stimulis pour observer comment elle réagit.
Des questions qui sont en plus là pour clairement me soupçonner soit d’être apathique, dépressive, trop soumise ou trop rebelle, de ne pas savoir m’accommoder d’une réalité ou d’un contexte qui me serait imposé, d’être trop affirmée pour m’intégrer dans un groupe ou un système où il y a de l’autorité…
Mais en fait on en est encore là ? A chercher à savoir si on sera bien sages et si on va bien obéir ?
Au bout de 200 questions, je commence à être en colère contre ce test où les questions semblent toutes plus vicieuses et malsaines les unes que les autres et tellement loin de ce qui constitue selon moi le début d’une relation de confiance.
J’arrête donc de les remplir et je dirais même que je ne peux carrément plus, c’est physique, je sens que je joue contre moi et que je ne suis pas sur la bonne route. Donc je ferme l’ordi et je pars en week-end.
Le lundi la personne que j’avais eu au téléphone m’appelle et me demande si j’ai rempli et renvoyé les tests. Je lui dis que j’ai commencé à le faire mais que j’ai détesté l’expérience et je lui dis cela :
- L’employeur accepterait-il de remplir 200 + 300 questions que j’aurais rédigées et dans lesquelles je le soupçonnerais ouvertement à de multiples reprises de porter les traits et attitudes les plus décevantes et insupportables qu’un employeur peut arborer ?
- Et au bout de 400 questions, auxquelles il aura passé plus de deux heures à répondre machinalement et en boucle, aura-t’il encore envie de travailler avec moi ?
Ca l’a faite sourire et on a convenu qu’on arrêtait le recrutement. Enfin elle a conclu cela ! Vu que je n’acceptais pas de me plier à la règle qui m’était imposée, je ne pouvais pas continuer, ce qui était sa conclusion, pas la mienne. Moi je lui ai dit que je restais ouverte à un échange humain, avec des questions simples auxquelles je répondrais en toute sincérité. Mais apparemment cette option n’était pas disponible.
Ce qui m’a choqué c’est qu’elle m’a dit que les directeurs de la structure n’étaient même pas au courant que ces tests étaient envoyés aux candidats potentiels, qu’ils les avaient engagées pour effectuer ce recrutement car eux-mêmes ne savaient pas faire.
Mais recruter, n’est-ce pas avant tout rencontrer ?
Mais entre nous, comment est-ce possible de ne pas savoir faire un recrutement ?
Comment est-il possible de ne pas savoir s’assoir autour d’une table avec quelqu’un et d’échanger librement sur qui on est, nos valeurs, ce que l’on veut pour l’avenir de notre entreprise et pour nous-mêmes afin de voir si nos attentes respectives sont compatibles ?
…
Tout cela pour dire que j’ai dit non à ce poste, non à cette recruteuse en lui exposant mes raisons et qu’en faisant cela et en exprimant clairement mon pourquoi, j’ai forcément un peu contribué à faire évoluer leur regard sur leurs pratiques.
Elle m’a bien affirmé que ces tests étaient utilisés depuis des années et validés par des instances mais en quoi l’ancienneté d’une méthode a t’elle déjà prouvé une quelconque pertinence ?
En somme, j’étais intéressée par cette perspective professionnelle mais leurs méthodes m’ont faite fuir. Si plusieurs personnes réagissent de la même manière et qu’ils perdent pleins de candidats potentiellement intéressants pour le poste, ils vont forcément remettre leur système en question car si un système est bête dans un sens, il l’est dans l’autre.
Un système n’a qu’une finalité : celui d’atteindre un résultat. Le jour où il ne permet plus aux protagonistes d’atteindre le résultat qu’ils souhaitent, le système change, évolue, s’adapte et se remet en cause.
Là, vous pouvez avoir envie de dire : oui mais tu as perdu l’opportunité professionnelle !
Et bien non en fait. Il faut aller plus loin que ça. Quand vous recherchez une structure pour y travailler, vous recherchez une connection professionnelle avec des humains qui ont des pratiques humaines et des valeurs qui vous ressemblent et que vous appréciez.
Donc leurs méthodes, si elles vous horripilent d’entrée de jeu, prouvent qu’ils ne sont pas les employeurs que vous recherchez. Il faut parfois et même souvent, avoir le courage de perdre un projet, une relation ou toute autre chose, pour pouvoir continuer son chemin et trouver, souvent juste un peu plus loin, le vrai contexte que nous recherchons.
Et n’oubliez pas : ce que vous cherchez vous cherche. Donc n’abandonnez jamais, continuez de marcher jusqu’à ce que ça sonne juste !
& don’t give up, you’re so precious 😉
Emyïe
